Mon enfant est timide

Un trait est une trace que je laisse sur un papier. C'est un acte de présence. Il semblerait que cet enfant-là est un peu trop sage, comme s'il ne voulait pas laisser de trace. On va appeler ces enfants trop sages, les enfants "invisibles" et dans cette invisibilité se cache quelque chose.

Il cherche à être vu. Délibérément, il va opter pour la posture de l'enfant qui se cache mais ce n'est pasvraiment pour être caché, c'est au contraire pour être trouvé.

L'invisibilité est une stratégie pour faire acte de présence sans déranger. "Je veux rester là sans être vu."

Il va falloir rassurer l'enfant sur le fait qu'il n'a pas besoin d'être invisible pour être remarqué ou remarquable. 

Donc, il faut le valoriser, lui accorder une place.

Chaque situation se traite au cas par cas mais le retrait, en général, c'est une alerte.

Prenons le cas d'un enfant unique. Il joue seul dans sa chambre. Il n'a pas de frères et soeurs. Il évolue dans un milieu hyper protégé où il a son espace privilégié. Dès qu'il se trouve face au groupe avec ses bruits, la gestion de plusieurs sources d'information à la fois, ça va être difficile pour lui. Il faut savoir que la gestion simultanée de plusieurs sources d'information est une fonction cognitive importante. Ca peut s'avérer agressif pour lui car il se retrouve au coeur d'une foule. Il y a une question d'adaptabilité au milieu extérieur.

Dans ce cas précis, on peut recommander aux parents d'inviter du monde, d'avoir des repas de famille avec les cousins et cousines pour ouvrir son monde vers un autre monde. Il faut éviter cet enfermement qui crée une forme d'isolement. Etre sollicité, faire des efforts, s'adapter aux autres, à la différence, c'est difficile.

Prenons l'exemple d'un enfant qui récite son cours en classe et qui tremble. C'est qu'il y a un problème. Il a peur de ne pas être à la hauteur des espérances de ses parents. Il est chargé de cette appréhension du résultat escompté de l'attente de ses parents au lieu de prendre la parole naturellement sans charge émotionnelle qui risque de l'handicaper. Il ne veut pas décevoir ses parents.

Dans ce cas-là, le conseil est de baisser la pression. Encouragez-le. Evitez de mettre une pression sur ses notes. Il faut permettre à l'enfant d'exister, de se déployer. Faites-le parler en public à la maison, par exemple, pour qu'il soit acteur au coeur de sa famille et qu'il puisse s'exercer avant de s'exposer au monde.

Il y a une différence entre la motivation extrinsèque et la motivation intrinsèque (où l'enfant décide en lui-même de réussir car c'est gratifiant).

Pour parvenir à cette motivation intrinsèque, il existe une façon de féliciter son enfant. Il ne s'agit pas de s'exclamer "bravo !". Il faut expliciter les raisons de ces félicitations en lui expliquant pourquoi il a réussi. Cela va lui donner confiance en lui car cela met un place un processus qu'il peut reproduire.

Ainsi, il faut bien expliquer le processus qui a fait son succès et lui dire "Tu vois, c'est comme cela que l'on réussit. Que ressens-tu ? Es-tu fier ?" C'est comme cela que l'on va diminuer ce stress qui est la présentation au monde de ce que je suis. Si cela vient de moi, c'est quand même plus facile que quand ça dépend du regard des autres.

Il n'y a pas d'enfant timide. On ne naît pas timide. Un comportement, cela s'acquiert sous la forme d'un environnement socio-éducationnel. La manière dont on accueille un enfant dans la famille, la place qu'il occupe vont fabriquer cette réserve, cette retenue.

Apprendre à un enfant à prendre sa place dans le monde, cela commence très tôt. Ce comportement a été acquis. Bien entendu, la nature de l'enfant va faire qu'il aura plus ou moins de retenue mais les codes socio-éducationnels vont faire le reste. Cette place dans la cellule familiale va induire le comportement de l'enfant. On doit lui apprendre à dialoguer : à prendre la parole, à écouter. On oriente ses sujets de conversation. Les parents vont orchestrer ce dialogue. Mais une fois qu'il est établi, l'enfant s'habitue à ce processus et il n'aura plus peur.

La position dans la fratrie ne se choisit pas mais elle a forcément un impact.

Imaginons un enfant dont le frère ou la soeur est lumineux, gai, enjoué. Comment briller derrière un soleil ? On brille derrière un soleil en se mettant en retrait car on devient remarquable en étant invisible. Donc, encore une fois, c'est un appel pour dire "Attention, j'existe mais différemment. Je ne serai pas un soleil, je serai une lune." C'est une façon de se faire remarquer par son absence.

Comme on le voit, il y a différentes explications au retrait. Il y a également le retrait stratégique de celui qui veut éviter les conflits. "Battre en retraite", c'est à la fois ne pas s'avouer vaincu et se protéger. C'est une recherche protectrice face à des frères et soeurs qui ne font pas forcément de cadeaux.

On ne peut pas enfermer le retrait dans une catégorie. Il est déterminé par différentes sources externes : le comportement des frères et soeurs vis à vis de l'enfant, l'autorité des parents, etc. Ce sont des stratégies de protection et de survie qui vont s'estomper au fil des années, au fur et à mesure que l'enfant va prendre de l'autonomie et sa place dans le monde.

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